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Des variétés de culture à double usage au Sénégal pourraient améliorer la production laitière et animale

Au Sénégal, le projet AICCRA Sénégal a mis en place une approche intégrée agriculture-élevage qui consiste à interconnecter l'élevage et la production agricole pour améliorer la productivité et la durabilité du système.

Le projet s'appuie sur plusieurs variétés de cultures à double usage, telles que le niébé fourrager, pour maintenir ou accroître les performances zootechniques et de production de lait et de viande des animaux en saison sèche.

A l’image des pays sahélien, l’agriculture sénégalaise est de type mixte où les animaux jouent un rôle central dans la restauration de la fertilité des sols mais aussi dans les travaux agricoles et dans l’économie des ménages. En dépit de cette importance des animaux dans les systèmes de production, leur alimentation reste largement tributaire de la productivité des pâturages naturels et, accessoirement, des résidus de cultures.

Prenons l’exemple de la saison des pluies où les performances de production (lait et viande) sont élevées grâce à la bonne qualité de l’alimentation qui est elle-même favorisée par une végétation abondante. En revanche, durant la saison sèche, le bétail souffre de sous-alimentation et de malnutrition à cause de la disparition et de l’appauvrissement du tapis herbacé ainsi que des feux de brousse. La production laitière accuse alors une baisse drastique par rapport à la saison des pluies et des pertes de poids considérables sont enregistrées sur les animaux.

En réponse à ces défis, le projet AICCRA Sénégal travaille en partie dans la démonstration de formules de ration alimentaires adaptées pour maintenir, voire accroître, les performances zootechniques et de production de lait et de viande des animaux en saison sèche. L'objectif est d'encourager une adoption à grande échelle de ces formules.

Cage d'engraissement pour le bétail au parc d’élevage de Méouane installé dans le cadre de AICCRA

Ces activités s’inscrivent dans l’approche intégrée agriculture-élevage prônée par AICCRA Sénégal pour améliorer localement l’habitat, l’alimentation et la santé du bétail durant la saison sèche. Cette approche vise à démontrer comment une telle amélioration peut significativement favoriser la production laitière et/ou le gain de poids des bovins et ovins, voire leur reproduction. Des formules de rations alimentaires sont faites sur la base des résidus des cultures, sans aucun apport extérieur, pour améliorer l'alimentation des animaux en stabulation destinés à l’embouche bovine, ovine et caprine, ou pour la production de lait. La fumure organique collectée des étables (déjections, urines et refus des animaux) est valorisée en compost pour améliorer la fertilité des champs.

Ce modèle d’intégration durable agriculture-élevage constitue donc une réelle opportunité pour améliorer durablement les conditions socio-économiques des populations rurales.  

Model d’intégration agriculture - élevage pour une amélioration durable de la sécurité alimentaire et nutritionnelle des hommes et des animaux au Sénégal

Interconnecter culture et élevage, pourquoi une telle option pour AICCRA?

Principe agro-écologique, l’intégration culture-élevage est une pratique agricole qui consiste à combiner la production agricole (culture) avec l'élevage dans un même système. Cette approche est basée sur l'utilisation de la complémentarité des deux activités pour améliorer la productivité et la durabilité du système.

"En intégrant l'élevage à la production agricole, les producteurs peuvent bénéficier de nombreux avantages, tels que l'utilisation des résidus d'élevage comme fertilisant pour les cultures, la diversification des sources de revenus grâce à la vente de produits animaux tels que la viande, le lait et l'utilisation des animaux pour d'autres activités agricoles." renseigne Fafa Sow, Chercheur à l’Institut Sénégalais de Recherches Agricoles (ISRA) et responsable de l’activité dans le cadre d’AICCRA.

En plus de cela, selon Sow, ce système peut aussi aider à améliorer la qualité des sols tout en évitant leur dégradation et en augmentant la matière organique et les nutriments disponibles pour les cultures. Il n’en demeure pas moins que, son adoption n'est pas sans défis.

En effet, les agriculteurs doivent être formés aux bonnes pratiques agricoles et aux techniques de gestion de la production. Ils doivent également avoir accès à des semences de qualité, à des aliments pour animaux et à des soins vétérinaires pour garantir la santé des animaux et espérer des performances en termes de production de lait et de viande.

Pour ce faire, AICCRA a misé sur l’utilisation de plusieurs variétés de cultures adaptées aux changements climatiques dont le niébé fourrager à double usage, aujourd’hui très prisé pour la production animale dans les zones d’intervention du projet.

Champ d’expérimentation de niébé fourrager destiné au bétail et à l’alimentation au parc technologique de Méouane-Thiès (Sénégal)

Le niébé fourrager à double usage, clé de l'amélioration des performances du bétail

Durant la campagne agricole 2022, AICCRA Sénégal a expérimenté des variétés de semences de niébé améliorées et adaptées au changement climatique. Les producteurs ont jugé satisfaisants les performances de ces nouvelles variétés, notamment la variété 58-74 (Voir fiche technique), lors d’une visite de champs pendant les journées paysannes d’échanges et de partage d’expérience. En plus de son intérêt pour l'alimentation humaine, cette variété présente une qualité de feuillage qui la rend attrayante pour l'alimentation animale.

"En plus de l’importance capitale de cette variété de niébé pour l’alimentation, c’est également une légumineuse qui peut fixer et transformer l’azote atmosphérique en engrais minéral grâce à sa symbiose avec les bactéries du sol (rhizobia) et améliorer durablement la fertilité des terres, par conséquent les rendements des cultures en rotation," confie Aliou Faye, point focal du projet AICCRA à l’ISRA.

Selon Faye, la culture généralisée du niébé fourrager répondra aux besoins croissants d'aliments d'origine animale dans un contexte de forte croissance démographique et d'urbanisation. Cette culture constituera également une opportunité économique pour les agriculteurs individuels et les communautés en général. La variété 58-74, en particulier, a un potentiel économique pour les producteurs de semences à grande échelle.

Par ailleurs, avec ces technologies agricoles, capitales aujourd’hui dans l’atteinte de la souveraineté alimentaires et nutritionnelles des hommes et des animaux.

"On est bien parti dans une dimension d’intégration agriculture-élevage," espère Nadine Worou, Coordonnatrice d’AICCRA Sénégal. "Pour nous responsable du projet, l’intérêt c’est de voir comment cette technologie peut contribuer à la sécurité alimentaire en vue d’améliorer les productions animales, le lait et la viande," avance-t-elle.

Vache allaitante au parc technologique d’élevage à Méouane mis en place par le projet AICCRA Sénégal

Le projet AICCRA vise à améliorer les rendements céréaliers et la production de fourrage de qualité pour le bétail. Les résidus et les fanes des cultures sont utilisés pour produire des rations alimentaires pour le bétail, ce qui permet une production animale soutenue et rentable toute l'année. Les agropasteurs sont formés en techniques de rationnement alimentaire à base de résidus des cultures et de compostage des fumures pendant la saison des pluies et des activités de contre saison pour améliorer l'économie, la nutrition et la sécurité alimentaire des foyers ruraux.

"Ce système circulaire qui permet plus d’énergie pour les animaux allaitant pendant la saison sèche ou un gain de poids optimum pendant seulement 75 jours constitue une voie sûre pour les agropasteurs de multiplier leurs activités génératrices de revenus," ajoute Sow.

Quelques résultats prometteurs

Avec les formulations nutritionnelles que le projet AICCRA a promu à, Méouane par exemple, basées sur les résidus agricoles et les fourrages dont la variété de niébé 58-74, des résultats positifs ont été obtenus sur les performances de productions animales. "Les résultats sont plus que satisfaisante et prometteurs," annonce Fafa Sow. "Car, en seulement 2 mois d’expérimentation, nous avons observé chez les petits ruminants, notamment chez les béliers, un gain corporel de 15 kilogrammes, en raison de 200g/jour. Mieux, chez les vaches allaitantes, une amélioration de la production laitière a été relevée passant de 400ml à 1,5 L/jour, avec les mêmes rations alimentaires," déclare-t-il.


Authors

  • Nadine Worou, Coordinatrice AICCRA Senegal
  • Aliou Faye, Chercheur au CERAAS et point focal d’AICCRA a l’ISRA
  • Akinseye Mathew Folorunso, Chercheur à l'ICRISAT basé au CERAAS
  • Fafa Sow, Chercheur à l’ISRA et responsable du programme élevage dans AICCRA
  • Lamine Diedhiou, Spécialiste en Communications AICCRA Senegal