Financé par la Banque Mondiale, le projet AICCRA Sénégal s'efforce entre autres à réduire la vulnérabilité des femmes et à renforcer leur résilience face aux effets du changement climatique. En collaboration avec des institutions de recherche nationales telles que l’ISRA, le projet travaille activement à rétablir les moyens de subsistance dans les zones rurales. L'accent est mis sur le renforcement de la résilience locale en favorisant le développement de la chaîne de valeur laitière. AICCRA vise également à encourager la participation des petits agropasterurs dans les activités de production laitière notamment la mise en place de parcelles de production fourragère, de collecte, de traitement et de transformation du lait.

Afin de promouvoir l'autonomisation des femmes et de les soutenir dans la réalisation de leurs objectifs de génération de revenus, AICCRA a organisé une formation en entrepreneuriat et en bonnes pratiques d'hygiène pour 50 femmes pilotes spécialisées dans la transformation des produits laitiers. Fortes de ces compétences nouvellement acquises, ces femmes modèles sont maintenant en mesure de partager leurs connaissances avec d’autres femmes du département de Linguère, en diffusant des techniques entrepreneuriales axées sur la maîtrise des bonnes pratiques d'hygiène.

Des focus groupes pour évaluer l'impact de la formation

En début décembre 2023, une équipe de suivi-évaluation du projet a organisé des entretiens avec 45 femmes ayant participé aux formations en septembre dernier. L'objectif était d'évaluer l'impact de ces formations sur la confiance en soi, le statut au sein du ménage et dans la communauté, et d'analyser les pratiques antérieures des femmes. Les discussions ont également porté sur la manière dont la formation a influencé leurs prises de décision en matière de production laitière et leur rôle de leadership. L'enquête s'est particulièrement penchée sur les changements observés dans les pratiques entrepreneuriales et d'hygiène, notamment en termes d'efficacité, de gestion et de qualité de la production laitière, tout en identifiant les nouveaux défis auxquels elles sont confrontées.

Le plus grand défi auquel les femmes sont confrontées dans la chaîne de valeur laitière est de savoir comment produire et conserver le fourrage pour le bétail, car il est très cher sur le marché. L'accès au marché reste un gros problème pour les femmes car le coût du transport est très élevé. Elles ont besoin d’un vétérinaire disponible pour effectuer des contrôles réguliers de leurs animaux. AICCRA a été un soutien clé non seulement pour augmenter la production laitière, mais également pour une meilleure commercialisation, créant ainsi une source de revenus plus stables.

En tant que tel, le soutien au développement de la chaîne de valeur laitière a eu un impact positif sur les petits producteurs impliquées dans la collecte et la transformation du lait. Grâce aux connaissances acquises et au démarrage de leur propre activité économique, les participants ont été satisfaits de l'expérience. 

« Auparavant, j’avais des difficultés à commercialiser ma production de lait. J’étais contrainte de la vendre à un prix très bas, et une partie se détériorait faute de moyens de conservation adéquats. Cependant, grâce à l’unité de collecte de lait installée dans la zone (La Laiterie du Berger), je parviens désormais à écouler une grande quantité de mon lait puisqu’il répond aux normes d’hygiène » confie Raky Ndiaye, une des bénéficiaires de la formation. Il est important de souligner que la détérioration du lait n'était pas due à un manque d'hygiène, mais plutôt à une absence de maîtrise des procédés de conservation.

Les 45 femmes ont souligné combien il est important pour elles de disposer d'une source de revenus indépendante afin de pouvoir contribuer au bien-être des membres de leur famille, en particulier de leurs enfants. 

« Maintenant, je peux contribuer à répondre aux besoins de ma famille, par exemple ceux liés à la santé et à l'éducation de mes enfants », a déclaré une autre bénéficiaire de Tongo, commune de Yang-Yang.

Elles ont également expliqué comment la formation a amélioré non seulement leurs compétences techniques, mais aussi leur estime de soi et leur confiance en elles, et comment cela a contribué à changer leur position vis-à-vis des membres de leur famille (conjoints, enfants, beaux-parents, etc.) et des membres de la communauté. Une bénéficiaire déclare :

« À la suite de la formation, nos méthodes ont évolué. Nos habitudes en matière d'hygiène ont également évolué. Nous avons adopté le port de masques, une meilleure hygiène des mains, et l'utilisation de gants pendant la traite. Ces mesures n'étaient pas appliquées auparavant ».

Les connaissances acquises grâce à AICCRA ont également commencé à se répandre dans toute la commune puisque plusieurs femmes ont pris l'initiative de former d'autres productrices pour améliorer leurs connaissances et leurs pratiques en matière de traitement et de transformation des produits laitiers. Certaines femmes ont clairement déclaré que cela les a aidées à devenir des « modèles » dans leur communauté. Aminata Sow, l'une des femmes leaders de sa communauté, témoigne avec fierté :

« J’ai partagé mes connaissances avec au moins une quinzaine de femmes vendeuses de lait. J’insiste toujours sur le respect des mesures d’hygiène. La personne doit être bien propre dans un environnement bien assaini. Son matériel doit être bien lavé et prêt á l’emploi ».

Les échanges ont révélé la satisfaction des bénéficiaires, qui ont salué l'initiative du projet AICCRA pour les avoir renforcés dans les domaines cruciaux de leurs principales activités, notamment l'élevage et la chaîne de valeur laitière locale. De plus, les autorités locales ont exprimé leur satisfaction et encouragé les bénéficiaires à appliquer les techniques apprises, tout en les incitant à les partager avec d'autres organisations opérant dans le même secteur.

Auteurs

Nadine Worou, Scientific Coordinator, AICCRA Senegal and International Livestock Research Institute (ILRI)

Etienne Alouise Sarr, Monitoring and Evaluation Assistant, AICCRA Senegal International Crops Research Institute for the Semi-Arid Tropics (ICRISAT)

Lamine Diedhiou, Communication Officer, AICCRA Senegal and International Livestock Research Institute (ILRI)